Le retour en force des rôtisseries

Le retour en force des rôtisseries

Le grand retour des rôtisseries en France
7 octobre 2022, Par Maria Zanotelli
Chez Tomorrow Food, en tant que consultants F&B, nous avons travaillé sur la conception et l’ouverture de la Rôtisserie Sauvage. Nous avons donc réfléchi à ce que c’est, d’ouvrir une rôtisserie à Paris en 2022, et voici ce que nous en avons retenu :

a. Une rôtisserie est un concept qui n’en est pas un : on peut donc ouvrir un établissement plein de caractère comme quelque chose de très passe-partout → il faut aller plus loin et donner une réelle identité à sa rôtisserie. Nous, on a fait comme ça.

b. Une rôtisserie ne peut plus se contenter de ne proposer que de la viande : il faut réfléchir à une offre qui puisse régaler tout le monde → pensez légumes entiers !

c. Une rôtisserie doit proposer de la viande de qualité : chez Tomorrow Food, agence d’ouvreurs et consultants F&B, on s’active pour construire la restauration de demain, c’est-à-dire une restauration durable. Cela passe par des matières premières bien sourcées, bien produites, et des producteurs bien payés.

Cette ouverture n’est pas anodine car on a remarqué qu’il y a à nouveau pas mal de rôtisseries qui pointent le bout de leur nez. Alors on s’interroge : le comeback de la rôtisserie ne serait-il pas la réponse du monde de la restauration à un monde qui bat de l’aile ?
Le grand comeback des rôtisseries

Le grand comeback des rôtisseries

L’utilisation du terme “comeback” n’est pas un hasard : la rôtisserie, et le poulet rôti en général, ça a un côté désuet, souvenir d’enfance. Pendant plusieurs années, la restauration en France s’est concentrée sur le bistronomique, le très travaillé, le sophistiqué et, à présent, on vit un retour aux choses simples, aux produits bruts justes sublimés. C’est tout pile dans ce segment que la rôtisserie vient s’insérer, nous servant de belles volailles à la peau croustillante et au jus concentré en saveurs pour nous rappeler des jours meilleurs.

Credit photo : Melanie Denizot

Le poulet rôti, un plat désuet mais contemporain

Quand vient l’heure de choisir le menu du dimanche midi, nous sommes nombreux à nous pencher naturellement vers le légendaire combo poulet rôti-patates. Que l’on ait convié nos potes ou nos grands-parents, qu’on se soit couché à 5h du matin ou que l’on soit allés au yoga à 9h, il y a bien une chose qui nous rassemble : l’impossibilité de résister, une fois sur deux environ, à l’odeur qui émane des stands de poulet rôti au coin de la rue, sur le marché.

Certes, on fait rôtir des aliments plus ou moins depuis la nuit des temps, enfin au moins depuis la domestication du feu, il y a de ça 400 000 à 560 000 ans. Depuis quand avons-nous ritualisé, en France, le fait de rôtir une pauvre volaille aux ailes coupées au moins un dimanche par mois ? Il s’avère que cela remonte au XVIIe siècle. C’est le roi Henri IV qui est à l’origine de notre monomanie : il a démocratisé la poule-au-pot, dont il voulait qu’elle soit financièrement accessible à chaque laboureur, le dimanche. Après lui, c’est Napoléon qui, au début du XIXe siècle, en campagne, aurait exigé de ses cuisiniers qu’ils aient toujours un poulet sur le feu. Ensuite, avec l’industrialisation de l’élevage, le poulet est rentré dans toutes les cuisines – et tous les cœurs.

En 1957, l’Etat a même encouragé la consommation de poulet, pour pallier la pénurie de viande. C’est pour cela que nous avons à peu près tous un ou plusieurs souvenirs de poulet rôti, une recette de mamie ou un rôtisseur préféré sur le marché auquel nous allons, une préférence pour l’aile ou la cuisse…
Un plat, 5 sens

Un plat, 5 sens

La popularité de ce plat pourtant si simple vient en grande partie du fait qu’il mobilise tous nos sens. Il nous laisse des souvenirs d’autant plus marquants qu’ils sont olfactifs et se manifestent à la plus infime stimulation. Un poulet qui rôtit, c’est un spectacle qui se savoure de toutes les manières, avant, pendant et après la dégustation.

Pendant la cuisson, la vue est aguichée par la présentation de la dodue volaille dans un beau plat, le troufion fourré d’aromates et autres délicieusetés visant à en décupler les saveurs, ou bien solidement attachée à la broche, tournant sur elle-même. L’odorat ne sait plus où donner de la tête, tout excité qu’il est par le doux fumet provoqué par la cuisson.

Credit photo : Marmiton
Au moment de passer à table, vue et odorat s’entremêlent pour créer en nous une attente bien particulière de goût et de texture, attente que vient conforter – ou non – le couteau décisionnaire qui plonge dans la bête et fait entendre – ou non – un craquement de bon augure en traversant la peau, caramélisée, croustillante et gorgée de sucs – ou non. Vient alors la première bouchée, dans laquelle se conjuguent le salé de cette peau, le gras du jus, l’acidité de l’éventuelle rondelle de citron, le romarin ou le thym qui rappellent l’été. Les flammes de la rôtissoire ne sont pas considérées comme un exhausteur de goût, mais dieu sait qu’il le faudrait. Elles ajoutent ce petit parfum indescriptible, mi-boisé mi-fumé, qui donne au poulet rôti tout son caractère.

Enfin, le poulet est l’un des seuls plats qui nous autorise, en France, à manger avec nos mains, et donc à expérimenter pas seulement avec notre langue mais avec la pulpe de nos doigts. Séparer le haut et le bas de cuisse, mordre à grande bouche un beau morceau de peau sur la chair juteuse d’un pilon bien doré, rogner jusqu’aux dernières miettes de viande sur les os… À la fin du repas, ou le lendemain, on s’applique à dénuder méticuleusement la carcasse, à en enlever les plus petits morceaux de chair, que l’on mangera probablement froids avec un peu de mayonnaise, ou que l’on plongera dans une béchamel et fera gratiner au four.

Credit photo : Madame Le Figaro

Ce que la rôtisserie révèle de nous

Si la consommation de poulet a été popularisée via l’industrialisation de l’élevage, il existe toujours des poulets élevés en plein air, de manière plus responsable et éthique. Cela induit forcément une différence de prix et, naturellement, une différence de modes de consommation. Toutes les questions d’alimentation ont des aspects sociaux et politiques, c’est une évidence. Le poulet rôti en est peut-être l’un des exemples les plus probants. C’est pourquoi on a essayé de se poser la question, à la manière dont Libération l’a fait pour le jambon-beurre, la salade niçoise ou le burger, “le poulet rôti est-il de droite ou de gauche ?

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L’Aile ou la Cuisse de Claude Zidi 1976

D’un côté, on pourrait s’arrêter à ce que représente le poulet rôti dans l’imaginaire collectif : un repas en famille, à table, dans de la belle vaisselle, toute la famille rassemblée autour de la table après la messe (ou un autre genre de messe : l’entraînement de foot, le jogging, le marché, le café au bistrot du coin). Monsieur préside en bout de table et, s’il n’a pas levé le petit doigt pour cuisiner, c’est lui qui découpe la bête. Il répartit les ailes, les cuisses, le blanc, les sot-l’y-laisse… Le poulet rôti du dimanche, c’est la tradition, c’est la viande, c’est une bête morte sur la table, c’est faire un pied de nez au politiquement correct qui dit qu’il faudrait respecter les vegan. Aujourd’hui, avec les différents types d’élevage, la crises économiques, et la grippe aviaire, c’est aussi accepter de payer une fortune pour une bête élevée décemment et qui n’aura pas été nourrie aux produits chimiques (et surtout pour se démarquer chez le boucher).

De l’autre côté, le poulet rôti peut aussi être vu comme résolument de gauche. Premièrement car il n’y a pas de recette officielle : chacun y va de son astuce, à coup de citron frais ou confit, de marinade à sec, d’épices marocaines. Cela vient aussi du fait que le poulet est un aliment de base dans de nombreuses cultures. Les différentes diasporas européennes, africaines, maghrébines et asiatiques ont amené un peu de leur goût en France, et cela passe par une revisite du poulet rôti. Ensuite, parce que si l’on n’a pas de four, on peut très facilement manger un poulet rôti, même avec un très petit budget, que ce soit sur les marchés ou dans les hypermarchés. C’est donc un plat (en apparence) démocratique.

Car si à une époque, la majeure partie des poulets venait de petites exploitations gérées de manière raisonnée, le pouvoir d’achat était plus élevé, et les inégalités plus basses, aujourd’hui la situation a bien changé. La définition de la droite et de la gauche a, elle aussi, bien changé. De nos jours, c’est la “gauche bobo” qui se soucie du bien manger (comprendre bio, local, raisonné, éthique) quitte à être moralisatrice et élitiste, et la droite populiste qui prône l’égalité d’accès aux denrées alimentaires de base, quitte à ne pas remettre en question les pratiques modernes d’élevage et leur impact sur l’environnement.

Le poulet rôti, selon le prisme par lequel on le déguste, est donc de droite et de gauche. Tiens, tiens.

La rôtisserie est morte, vive les rôtisseries

Petit inventaire de nos rôtisseries préférées, récentes et moins récentes.
La plus mythique : la Rôtisserie d’Argent, ouverte en 1989 sous le nom de Rôtisserie du Beaujolais, puis renommée Rôtisserie d’Argent en 2017 lorsque l’institution la Tour d’Argent a décidé de la prendre sous son aile à 100% et d’y proposer de délicieuses volailles triées sur le volet dans un cadre bistrot, simple et efficace, mais toujours soigné.

Credit photo : Rôtisserie d’Argent
La plus étoilée : en ouvrant le Coq Rico, aujourd’hui rebaptisé Lecoq & Fils, à Montmartre, le chef triplement étoilé au Michelin Antoine Westermann souhaitait amener aux parisiens une belle sélection de volailles de qualité, afin de donner ses lettres de noblesses au bien connu poulet rôti.

Credit photo : Sortir à Paris
La plus pariso-brésilienne : Brutos. Ce n’est pas réellement une rôtisserie mais un asador, l’équivalent venu des pays d’Amérique latine. On y trouve donc toutes sortes de viandes grillées et, le dimanche, on vient y déguster un poulet rôti connu et reconnu par les foodies parisiens, accompagné bien sûr d’une bouteille de vin nature.

Credit photo : Brutos Paris
La plus tendance : Braise, le dernier-né du Groupe Éclore de Stéphane Manigold. Ce n’est pas une rôtisserie mais un restaurant où tout est travaillé, comme son nom l’indique, à la braise. Encore une technique de cuisson bien particulière et assez primaire, qui fait ressortir les saveurs les plus originelles des mets.

Credit photo : Braise Paris
La plus nouvelle garde : le groupe de néo-brasseries Nouvelle Garde a ouvert le 8 juillet sa Brasserie Martin, une brasserie française semblable à ses grandes sœurs, à cela près qu’elle est dotée d’une rôtissoire qui tourne en continu, toute la journée.

Credit photo : Nouvelle Garde groupe
La plus petit format : la Rôtisserie Segar, qui devrait ouvrir d’ici peu dans la rue Mouffetard, et va vendre les volailles élevées de manière écoresponsable, pendant 100 jours, des Frères Poulet.

Credit photo : Rôtisserie Ségar
La plus fraîchement ouverte : la Rôtisserie Sauvage, en bas de la rue Mouffetard, est un projet sur lequel Tomorrow Food a travaillé pendant plus d’un an pour orchestrer l’ouverture d’un restaurant à la fois beau et bon, ancré dans son quartier mais ouvert à tous, avec une carte convenant aux carnivores comme aux végétariens. C’est tout beau tout chaud, et ça sent le poulet rôti.

Credit photo : Melanie Denizot
Credit photo : Melanie Denizot
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